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Autant l'écrire
6 décembre 2002

L'homme à la barbe blanche

Il y a des instants de vie qui peuvent sembler anodins mais qui laissent de beaux souvenirs. 

Je me souviens, par exemple, de cette rencontre avec cet homme à la barbe blanche. Son image a profondément marqué ma mémoire. On ne s'est pourtant pas parlé, je crois même qu'il ne m'a pas vu mais peu importe.

Nous sommes en 2002 et cette scène se situe loin, très loin maintenant, aussi bien dans le temps que dans l'espace. Elle se situe dans un bar, ou plus exactement sur la terrasse d'un bar qui offrait une vue magnifique sur le Jokang, un temple sacré à Lhassa au Tibet.

 Je n'avais pas 25 ans, il devait en avoir pas loin de 80. J'étais assis à une table avec deux amis et nous jouions aux cartes quand il est entré. Il avait une allure incroyable, une barbe blanche bien taillée et il portait un chapeau en feutre. Il était très élégant. Dans mon souvenir, il avait les yeux bleus. Il était seul et il s'est assis à une table un peu en retrait mais qui dominait la foule des pèlerins.

L'espace d'un instant j'ai imaginé voir Heinrich Harrer. Il avait son allure, du moins celle que je m'imaginais de lui et le lieu s'y prêtait. Pour moi le Tibet était une convalescence après un accident de santé traumatisant ; une sorte de renaissance. Je l'ai vu et j'ai souhaité être à son image 55 ans plus tard. Il respirait la sérénité, le bien être et il dégageait l'énergie de ceux qui ont eu une vie palpitante. Sa solitude lui donnait par ailleurs une autre dimension, la dimension d'un grand homme. Combien de voyages avait-il déjà fait ici à Lhassa? Plusieurs certainement. Il était la, seul, et ces yeux contemplaient les pèlerins autour du temple sacré. Je n'ai pas eu envie de l'aborder, par pudeur d'abord mais surtout par peur de casser l'image que je me faisais de cet homme. Je me suis donc imaginé sa vie. Une vie avant tout de grand voyageur.

 Puis nous avons du partir. J'ai regardé cet homme vieux mais si beau une dernière fois. Un instant, j'ai cru voir ces yeux s'embuer. Cela m'a profondément touché. A 25 ans, on n'imagine pas ne jamais revoir les merveilles du Monde que l'on a contemplé. 80 ans est-il un âge ou l'on y songe?  Mon vieil homme conscient de son âge contemplait peut-être Lhassa pour la dernière fois. 

Marc Pulovert

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